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Les donations mobilières par les résidents wallons : du changement en perspective 

1. Le projet de décret wallon pour un impôt plus juste

Le 29 octobre dernier, un projet de décret portant diverses dispositions pour un impôt plus juste a été déposé sur la table du législateur wallon[1].

Ce projet de décret a pour objectif de renforcer les mesures de lutte contre la fraude fiscale et de mettre fin à des formes de contournement de l’intention du législateur en Région wallonne. 

Diverses mesures concernent les droits de succession et d’enregistrement.

2. Quels changements pour quelles donations ?

2.1. Les donations mobilières non enregistrées

En matière de donations mobilières, les contribuables ont le choix de soumettre ou non les donations réalisées en dehors d’un acte notarié à l’enregistrement. En effet, rappelons que depuis le 15 décembre 2020, le législateur a mis fin à la Kaasroute en rendant obligatoire l’enregistrement de toutes les donations mobilières notariées (devant notaire belge ou étranger), ce qui comprend toutes les donations avec réserve d’usufruit.

Par contre, les donations manuelles et indirectes, telles que le don par virement bancaire, de biens mobiliers en pleine propriété peuvent s’effectuer sans procéder à l’enregistrement et partant, sans devoir s’acquitter de droits de donation (en Région wallonne, ces droits de donation sont réduits à 3,3% en ligne directe et entre époux/cohabitants légaux ou 5,5% en faveur d’autres personnes).

Ce choix de ne pas enregistrer la donation implique toutefois de prendre le risque de voir les biens ayant fait l’objet de la donation taxés aux droits de succession (allant jusqu’à 30% en ligne directe et 80% dans les autres cas) si le donateur venait à décéder endéans les trois ans de la donation.

Dans le cadre du projet de décret précité, le gouvernement wallon a proposé d’allonger le délai de 3 ans dans lequel les donations non enregistrées sont soumises à des droits de succession en cas de décès du donateur pour le porter  à cinq ansen vue d’inciter les contribuables à enregistrer leur donation.

Ainsi, si le décret est adopté, pour qu’une donation mobilière non enregistrée soit exemptée de droits de succession en Région wallonne, les donateurs devront rester en vie cinq ans après la réalisation de leur donation.

Ce nouveau délai concernerait toute personne résidente wallonne depuis plus de deux ans et demi au moment de son décès qui aurait réalisé une donation non enregistrée après le 1er janvier 2022(et ce, même si elle n’était pas résidente wallonne au moment de la réalisation de la donation).

Toute donation réalisée jusqu’au 31 décembre 2021 bénéficierait quant à elle du délai actuel de trois ans. En effet, si, à l’origine il était question de prévoir un effet rétroactif en appliquant le nouveau délai de 5 ans aux donations réalisées depuis le 1er janvier 2019 (pour lesquelles la délai de trois ans n’était pas écoulé), cette rétroactivité a finalement été abandonnée suite à un amendement.

Pour les donataires qui ne souhaiteraient pas subir le risque que des droits de succession soient dus en cas de décès du donateur dans les cinq ans de la donation(en raison de l’âge du donateur ou de son état de santé), il reste toujours possible d’enregistrer volontairement la donation (et de payer les droits de donations) ou de couvrir ce risque par le biais d’une assurance temporaire-décès couvrant ces cinq années.

2.2 Les donations mobilières affectées d’un terme suspensif du décès du donateur

Le projet de décret ajoute un point à l’article 4 du Code des droits de succession pour assimiler à un legs (soumis aux droits de succession), les donations de biens meubles faites sous le terme suspensif du décès du donateur. Cette assimilation viserait toutes les donations mobilières consenties par le défunt (décédé à partir du 1er janvier 2021) sous le terme suspensif de son décès, peu importe qu’elles aient été réalisées avant ou après le 1er janvier 2022.

2.3 Les donations et les cessions de droit post mortem des contrats d’assurance-vie

Le projet de décret de la Région wallonne propose un régime similaire à celui qui existe en Région flamande en ce qui concerne la donations des droits du preneur d’un contrat d’assurance et la cession post mortem de ces droits, à savoir :

  • La donation des droits du preneur du contrat d’assurance, sans enregistrement, ne permettrait plus de faire échapper la prestation d’assurance  aux droits de succession. En effet, même si le défunt a fait donation de ses droits dans le contrat d’assurance, la prestation d’assurance perçue par le bénéficiaire serait soumise dans son chef à des droits de succession au décès du défunt-donateur. Toutefois, si la donation des droits de preneur d’assurance avait fait l’objet d’un enregistrement, la base imposable serait diminuée du montant ayant servi de base imposable pour la perception des droits de donation. En d’autres termes, si une donation enregistrée du contrat d’assurance était réalisée par le défunt au bénéficiaire, seule la plus-value du contrat, postérieure à l’enregistrement de la donation et sur laquelle aucun droit d’enregistrement n’aura donc été payé,  serait soumise à des droits de succession.
  • La cession des droits du contrat par le preneur d’un contrat d’assurance post mortem réalisée en application de l’article 184, alinéa 2, de la loi du 4 avril 2014, serait désormais soumise à des droits de succession au moment du rachat du contrat ou du versement de la prestation d’assurance dans le chef du bénéficiaire du rachat ou de la prestation d’assurance. Ainsi, dans le cas d’un contrat d’assurance souscrit par deux preneurs dans lequel il est prévu une cession des droits au décès du premier d’entre eux au profit du survivant des preneurs, les droits de succession ne seraient pas dus au moment du décès du premier preneur mais au moment du rachat du contrat par le preneur survivant ou du dénouement du contrat dans le chef du bénéficiaire effectif.   

Ces nouvelles dispositions se retrouveraient dans l’article 8 du Code des droits de succession et s’appliqueraient à toutes les successions qui s’ouvriraient à partir du 1er janvier 2022. Elles auraient par conséquent un impact sur les donations et cessions de droits post mortem d’un contrat d’assurance réalisées avant cette date. Tout résident wallon qui a réalisé dans le passé une donation de ses droits en qualité de preneurs dans un contrat d’assurance ou une cession post mortem de ses droits (typiquement dans un contrat d’assurance avec deux preneurs) devrait être amené à revoir sa planification à la lumière de ces nouvelles dispositions si elles sont adoptées.

3. Où en est le processus parlementaire ?

Le 10 décembre dernier, la Commission du Budget et des Infrastructures sportives du Parlement wallon a adopté les articles du projet de décret relatifs aux modifications précitées .

Reste maintenant à attendre leur adoption en session plénière du Parlement wallon qui est prévue le 23 décembre prochain.  Ce ne devrait être qu’une simple formalité et l’ensemble des mesures précitées devrait donc entrer en vigueur le 1er janvier 2022.

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Portrait Bérénice Delahaye
Bérénice Delahaye
b.delahaye@dlh-avocats.be
Stéphanie Caron
s.caron@dlh-avocats.be


[1] Projet de décret portant diverses dispositions pour un impôt plus juste, Doc., Parl. Rég. Wal., 2021-2022, 29 octobre 2021, n°707/1, p. 57 (https://www.parlement-wallonie.be/pwpages?p=doc-recherche-det&iddoc=107964).

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