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L’allotissement d’une créance vis-à-vis d’un cohéritier dans un pacte successoral global
Le revirement opéré par Vlabel

1. Un père a consenti une donation de 200.000 € à son enfant E1. Afin de rétablir un équilibre quant à cette donation, un pacte global est signé et l’enfant E2 se voit allotir d’une créance de 100.000 € à l’égard de son frère E1 due immédiatement ou au décès du père

Comment appréhender cet « allotissement » sur le plan fiscal ? Est-ce une donation taxable ou un acte à titre onéreux non taxable (dès lors qu’il s’agit de la contrepartie de donations consenties aux cohéritiers) ou un rapport anticipé d’une donation ?

Le traitement fiscal de cet allotissement de créance dépend des Régions. 

2. Dans une première position du 18 mars 2019, l’administration fiscale flamande (ci-après « Vlabel1») a adopté la position n° 19006 selon laquelle l’allotissement d’une créance à l’égard d’un héritier présomptif doit être considéré comme une donation indirecte du ou des parents au profit de l’enfant créancier. Dans l’exemple précité, il ne s’agit pas d’une donation de E1 à l’égard de E2 (une donation entre frère/sœur) mais d’une donation du père à E2 (une donation « nouvelle » du parent au profit de l’enfant non gratifié lors de la première donation).

Vlabel ajoutait que si le payement de la créance était réalisé par un enfant qui avait reçu antérieurement une donation enregistrée, l’allotissement de la créance devait être considéré comme une charge de la donation originaire, charge qui tombait sous le champ d’application de l’article 2.8.3.0.1, § 3 du Vlaamse Codex Fiscaliteit (ci-après « VCF »). Cet article précise que la charge consistant en une somme ou une rente ou pension stipulée à titre gratuit au profit d’un tiers acceptant, est imposée à titre de donation dans le chef dudit tiers et déduite de l’émolument du donataire principal. 

Par conséquent, l’impôt de donation payé sur cette donation « secondaire » (qui provient de cette créance précisée dans un pacte) faisait naître un droit de restitution dans le chef du donataire (le débiteur de la créance) de la donation « originaire », sur la base du trop-payé (la donation « principale » était diminuée de la charge). 

Enfin, si le payement de la créance était reporté au décès du donateur (Vlabel parlait du « futur testateur ») et que cette créance n’était pas considérée comme une charge d’une donation immobilière, l’allotissement de la créance était requalifié en un legs sur la base de l’article 2.7.1.0.3, 3° du VCF et soumis à l’impôt de succession.  

3. La position n° 19006 de Vlabel a été modifiée le 14 avril 2020 et cette modification a été publiée sur le site de Vlabel le 28 avril 2020. Toutefois, l’ancienne position du 18 mars 2019 reste applicable aux pactes conclus avant le 28 avril 2020 et peut encore s’appliquer aux pactes conclus entre le 28 avril 2020 et le 1er juillet 2020, si l’ancienne position est plus favorable aux contribuables. 

Vlabel opère un revirement complet et considère que l’allotissement d’une créance vis-à-vis d’un ou plusieurs cohéritier(s) dans un pacte global doit être considéré comme fiscalement neutre. Selon Vlabel, cet allotissement de créance participe à un équilibre subjectif entre les héritiers en ligne directe et le décompte effectué entre les enfants pour atteindre cet équilibre ne doit pas être considéré comme une donation. 

Vlabel fait ensuite la distinction suivante :

  • Si l’allotissement de la créance dans le chef d’un enfant se justifie par une donation ou un avantage consenti antérieurement au pacte, la charge de payer une somme à l’autre enfant (la créance) ne constitue pas une donation, ni du/des parent(s) ni entre les enfants.
  • Si l’allotissement de la créance ne constitue pas la compensation d’une donation ou d’un avantage, Vlabel considère également qu’il n’y a pas de donation et que cet allotissement est fiscalement neutre. 
  • Si l’allotissement de la créance est réalisé en compensation d’une « nouvelle » donation consentie dans le pacte successoral, cet allotissement doit être considéré comme une charge de la donation (une donation secondaire) et la donation est taxée conformément à l’article 2.8.3.0.1, § 3 VCF.  Cette dernière position est favorable au contribuable dans l’hypothèse où la donation consentie dans le pacte est immobilière dès lors que le calcul de l’impôt de donation se fera sur « deux têtes » au lieu « d’une tête ». Dans l’hypothèse où la donation consentie dans le pacte est mobilière, cela n’a pas d’impact puisque le tarif reste de 3 %, sauf quant au redevable de cet impôt de 3 %.    

4. Cette position est globalement plus avantageuse pour le contribuable que l’ancienne position. Il n’y a qu’un seul cas dans lequel l’ancienne position pourrait être plus avantageuse que la position actuelle, c’est celui où la créance prévue dans le pacte est due immédiatement et la donation originaire était immobilière. Dans cette hypothèse et sous l’ancienne position, la créance était soumise à l’impôt de donation au tarif progressif sur les donations immobilières et un droit de restitution naissait dans le chef du débiteur de la créance. Dès lors que le tarif de l’impôt de donation sur une donation immobilière est progressif et que la multiplication des donataires a pour effet de diminuer l’impôt, il est fort probable que la restitution d’impôt était plus importante que le nouvel impôt dû du fait de l’allotissement de la créance. 

5. A ce jour, seule l’administration fiscale fédérale, dont la position s’applique en Régions de Bruxelles-Capitale et wallonne, considère encore qu’une telle créance constitue une donation entre frère(s) et sœur(s).  Vlabel a, à raison, abandonné la qualification de donation pour consacrer la neutralité fiscale de cette créance vis-à-vis de son/ses cohéritier(s), sauf si elle constitue la contrepartie d’une donation consentie dans le pacte. Espérons que l’administration fiscale fédérale suive les traces de Vlabel. Suite au prochain épisode….

Bérénice Delahaye

Associé – Planification patrimoniale

b.delahaye@dlh-avocats.be 

Sources

  1. Vlabel

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